Le rêveur
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Le rêveur
La Poésie est la langue d'un état de crise.
Stéphane Mallarmé
En hommage et souvenir à Jeanne Tripier, en son "Premier Cahier" de Mai 1935, et Martine Decourt, sa députée sur cette terre, l'ayant rejointe outre-ciel.
J'ai reçu la visite du docteur des morts. Il m'a appelé "Monsieur l'Inconnu". L'atmosphère me semblait électrique. Oui, c'était bien Zibodandez ZZ 1er, Roi des Belges, qui tentait de faire pénétrer dans ma chambre une femme de haut désir.
Danses magiques de contorsion, sans doute d'origines frauduleuses, empruntées à quelque magicien d'Orient ou de l'ancienne Arabie: il a voleté sans élégance autour de moi. Certainement, ses ailes lui avaient été récemment acquises. Il n'en semait pas moins le trouble dans l'arrière-pays de mon âme assoiffée.
Et j'ai vu, de mes yeux intérieurs, vu de ces yeux, la figure terrible du plaisir sans borne. Je le confesse: j'avais tant espéré la visite de ZZ Zibodandez 1er. Je n'ai pas de mot pour décrire ce moment . Peut-être une incandescence dépliée en majesté ? Une fusion éruptive de chair et d'esprit ? Mon corps s'est tendu à rompre. L'explosion de mon sexe a duré mille ans. Mille ans de rêves traversés d'une même douleur subtile. Il m'a fallu mourir de cela pour y échapper.
ZZ sorcier, Roi des Belges, docteur des morts a constaté mon départ funèbre du rêve. Et je suis certain, autant que désolé, qu'il a chassé la dame de grand désir. Ma dame. Devenue extatiquement mienne par la cause de ses roueries. Mais mienne. Mais éloignée à jamais de mon corps onirique défunt, qui va se décomposer en nuées de mots, comme il arrive à tous les amants se risquant à l'amour dans l'autre monde. Ma bouche devrait s'ouvrir pour la retenir et empêcher l'exécrable docteur de m'en priver à jamais. Mais je n'ai plus de bouche.
Photographie de La Troupe par John Wind
Texte d'Ignacio Charralde
Acteurs: Cemil Yilniz, Mazin, Basir
Musique de l'Onironaute